(Dé)contextualiser. La question des formalismes en droit. 17 Décembre 2018 de 10h à 13h

Si parler « d’histoire des formes juridiques » implique de reconnaître la dimension formelle des normes juridiques, cela implique-t-il de souscrire au formalisme juridique ? Pour tacher de répondre à cette question, cette séance propose d’appréhender le sens du « formalisme juridique » sous l’angle du rapport de la forme à son contexte d’émergence.
Le terme de « décontextualisation » sert habituellement aux logiciens à désigner l’opération nécessaire à isoler la composante formelle de la signification d’un énoncé. De même faut-il, pour examiner une question juridique, en « décontextualiser » les éléments, de manière à envisager un contenu dont la signification tend à être indépendante de l’aspect concret des situations matérielles qui en sont l’occurrence ? L’effort intellectuel qui est requis pour percevoir de telles formes n’apparaît-il pas alors comme para-historique, en ceci qu’il impliquerait de contrecarrer ou de suspendre pour un temps la tendance spontanée, évidemment de mise dans les sciences sociales, à rechercher immédiatement les ramifications ou les retombées contextuelles d’une règle donnée ?
Cette séance rassemblera quelques indices de la critique du formalisme juridique, conçu comme une critique des incidences politiques de cette tendance à la décontextualisation.
Pour revenir sur la question du formalisme et de sa critique — notamment dans la tradition du réalisme juridique aux Etats-Unis, qui a voulu assimiler la « science réaliste du droit » à une branche à part entière des sciences sociales, en substituant à la méthode décontextualisante l’invitation à rapporter le droit aux seules décisions de jurisprudence effectivement prononcées, envisagées comme des faits politiques — nous partirons d’un texte du théoricien du droit Duncan Kennedy, qui propose une relecture de la sociologie du droit de Max Weber, relevant le rapport ambivalent de ce dernier au formalisme.
Le rejet contemporain du formalisme peut-il s’analyser comme une occultation ou un refus de l’aspect « scolastique » du droit, celui qui tout en invitant à rechercher la ratio legis, par régression virtuose jusqu’aux notions premières de l’ordre juridique, confiait aux professeurs de droit la responsabilité publique de garantir la cohérence « systématique » du droit positif ?

            Texte sur lequel portera principalement la séance

·      Duncan Kennedy, « The Disenchantment of Logically Formal Legal Rationality, or Max Weber's Sociology in the Genealogy of the Contemporary Mode of Western Legal Thought », Hastings Law Journal, 55, 2003-04, p. 55-103.
            Accessible ici : http://duncankennedy.net/sociology_law/essays.html

Lectures complémentaires
·      Salvatore Satta, « Il formalismo nel processo », in Il Mistero del processo, Milan, Adelphi, 1994 [1958].
·       Duncan Kennedy, « Legal formalism », The International Encyclopedia of the Social and Behavioral Sciences 8634 (2001).

·      Neil Duxbury, « The Challenge of Formalism », Patterns of American Jurisprudence, Oxford, Clarendon Press, 1997, ch. 1.

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