Si
parler « d’histoire des formes juridiques » implique de reconnaître
la dimension formelle des normes
juridiques, cela implique-t-il de souscrire au formalisme juridique ? Pour
tacher de répondre à cette question, cette séance propose d’appréhender le sens
du « formalisme juridique » sous l’angle du rapport de la forme à son
contexte d’émergence.
Le
terme de « décontextualisation » sert habituellement aux logiciens à
désigner l’opération nécessaire à isoler la composante formelle de la signification d’un énoncé. De même faut-il, pour
examiner une question juridique, en « décontextualiser » les
éléments, de manière à envisager un contenu dont la signification tend à être
indépendante de l’aspect concret des situations matérielles qui en sont
l’occurrence ? L’effort intellectuel qui est requis pour percevoir de
telles formes n’apparaît-il pas alors comme para-historique, en ceci qu’il
impliquerait de contrecarrer ou de suspendre pour un temps la tendance
spontanée, évidemment de mise dans les sciences sociales, à rechercher
immédiatement les ramifications ou les retombées contextuelles d’une règle donnée ?
Cette
séance rassemblera quelques indices de la critique du formalisme juridique,
conçu comme une critique des incidences politiques
de cette tendance à la décontextualisation.
Pour
revenir sur la question du formalisme et de sa critique — notamment dans
la tradition du réalisme juridique aux Etats-Unis, qui a voulu assimiler la
« science réaliste du droit » à une branche à part entière des
sciences sociales, en substituant à la méthode décontextualisante l’invitation
à rapporter le droit aux seules décisions de jurisprudence effectivement
prononcées, envisagées comme des faits politiques — nous partirons d’un texte
du théoricien du droit Duncan Kennedy, qui propose une relecture de la
sociologie du droit de Max Weber, relevant le rapport ambivalent de ce dernier
au formalisme.
Le
rejet contemporain du formalisme peut-il s’analyser comme une occultation ou un
refus de l’aspect « scolastique » du droit, celui qui tout en
invitant à rechercher la ratio legis,
par régression virtuose jusqu’aux notions premières de l’ordre juridique,
confiait aux professeurs de droit la responsabilité publique de garantir la
cohérence « systématique » du droit positif ?
Texte sur lequel portera principalement la séance
· Duncan Kennedy,
« The Disenchantment of Logically Formal Legal Rationality, or Max Weber's
Sociology in the Genealogy of the Contemporary Mode of Western Legal Thought »,
Hastings Law Journal, 55, 2003-04, p.
55-103.
Accessible
ici : http://duncankennedy.net/sociology_law/essays.html
Lectures complémentaires
· Salvatore Satta, « Il formalismo nel
processo », in Il Mistero del
processo, Milan, Adelphi, 1994 [1958].
·
Duncan Kennedy, « Legal
formalism », The International Encyclopedia of the Social and
Behavioral Sciences 8634 (2001).
· Neil Duxbury, « The Challenge of Formalism », Patterns of American Jurisprudence, Oxford, Clarendon Press, 1997, ch. 1.